Projet de loi pour le plein emploi : l’Unaf a été auditionnée à l’Assemblée nationale
Mardi 5 septembre 2023, Marie-Andrée Blanc, Présidente de l’Unaf et Guillemette Leneveu, Directrice générale, ont été reçues en audition sur l'article 10 du projet de loi Plein emploi qui préfigure le futur service public de la petite enfance.
Mardi 5 septembre 2023, Marie-Andrée Blanc, Présidente de l’Unaf et Guillemette Leneveu, Directrice générale, ont été reçues en audition par les rapporteurs Christine Le Nabour (Ille-et-Vilaine, Renaissance) et Paul Christophe (Nord, Horizons). Claire Ménard, Chargée des relations parlementaires les accompagnait.
L’Unaf a rappelé son attachement au maintien de l’article 10 qu’elle avait défendu auprès des sénateurs.
L’Unaf a salué, par cet article, le lien étroit reconnu entre la politique familiale et la politique de l’emploi.
Cet article 10 prévoit l’adoption d’une stratégie nationale pour la petite enfance et confie le rôle d’autorité organisatrice au bloc communal, ce qui lui confère un rôle de pilotage de l’offre d’accueil. L’Unaf, favorable au choix du niveau communal et intercommunal, a souligné l’intérêt de réguler la répartition des modes d’accueil sur les territoires via une autorisation préalable dans les zones surdotées, tout en confortant le rôle des Comité Départementaux des Services aux Familles (CDSF) et de leurs schémas. Que les Régions prennent davantage en compte les besoins de formation de professionnels de la Petite Enfance constitue aussi une réponse intéressante à la problématique de leur pénurie.
L’Unaf aurait souhaité que cet article 10 aille plus loin en prévoyant que la commune, désignée comme pilote organisatrice, dispose d’une obligation à développer et financer ces modes d’accueil. A défaut, elle craint que ces dispositions ne suffisent pour les familles, à obtenir une garantie de réponse à leurs besoins et à ceux de leur enfant. Pour autant, cet article constitue un premier pas indispensable dans l’amélioration des politiques de conciliation vie familiale-vie professionnelle, qui ont été mises à mal depuis une dizaine d’années.
Parallèlement, la COG Etat-Cnaf 2023/2027, signée début juillet prévoit des moyens très importants pour l’accueil de la petite enfance. Comme l’Unaf l’a indiqué dans un communiqué du 6 juillet : « Cette COG marque un engagement fort pour la Petite Enfance : 1,4 Milliard d’euros supplémentaires par an par rapport à 2022, soit un taux d’évolution annuel de 6,9 % sur la durée de la COG ; une orientation ciblée sur les territoires les moins pourvus ; un objectif de création de 100 000 solutions d’accueil d’ici 2027 tant en accueil collectif qu’individuel. Pour l’Unaf, les moyens budgétaires alloués et les solutions incitatives proposées semblent adaptés pour relever ce défi. Si les dispositions prévues à l’article 10 du Projet de loi « plein emploi » sont votées, cela formera un premier ensemble cohérent de mesures pour la mise en place d’un Service public de la petite enfance. »
L’article 10 du projet de loi Plein emploi matérialise cette ambition indispensable alors que les besoins des parents n’ont jamais été aussi importants pour faire garder leur enfant, et alors que les chiffres de la natalité ne cessent de chuter.
Après ces propos introductifs, Marie-Andrée Blanc a tracé à grands traits le bilan pour les familles de la situation actuelle au regard de l’accueil de la petite enfance, avec la nécessité de progresser vers une garantie d’accueil pour les parents.
- Seule la moitié de l’objectif en matière de création de places en crèche est atteinte (sur la COG 2018-2022, 15 000 places pour un objectif de 30 000 places)
Pour l’Unaf, il faudrait fixer des objectifs en nombre d’heures d’accueil. Cet indicateur serait plus transparent et tiendrait mieux compte du recours des parents à des heures de mode d’accueil. Le nombre d’heures ne progresse quasiment pas (la hausse des heures en EAJE se cumule avec des baisses du recours aux assistants maternels).
- Parallèlement, la moitié des parents de jeunes enfants n’a recours à aucun dispositif de conciliation de la branche famille (enquête Filoué).
Cela traduit une inadéquation entre l’offre et la demande notamment du fait des restes à charge trop élevés et du manque d’offre globale.
- La PSU est mise à mal dans la dernière COG : la part des micro-crèches PAJE et du secteur privé lucratif dans la création de places est très élevé.
La PSU n’est plus un outil mettant sur un même pied d’égalité les gestionnaires de crèches et collectivités territoriales par rapport à d’autres modalités comme les MAM, les micro-crèches PAJE, les assistants maternels.
Cela entraîne des problèmes de mixité sociale, d’augmentation du coût par place pour les finances publiques (importance du CIF et exonération des entreprises qui sont difficilement évaluées par la CNAF) et du coût pour les familles.
On observe une opacité de plus en plus grande des coûts par place due à la complexité des circuits de financements (caf, collectivités territoriales, crédit et réduction d’impôt, entreprise, parents…).
L’Unaf a ensuite présenté ses propositions pour progresser vers une politique d’accueil de la petite enfance permettant d’assurer aux parents une garantie d’accueil de leur enfant.
- Penser la petite enfance dans sa globalité (congé parental, cog, cmg…) et non dispositif par dispositif.
Pour l’Unaf, le SPPE doit se traduire par un parcours d’accueil serein pour tout enfant qui naît, jusqu’à son entrée en maternelle ouvrant une possibilité aux parents de ralentir ou suspendre leurs activités professionnelles dans de bonnes conditions et garantissant ensuite une solution d’accueil de qualité et accessible financièrement.
- Créer un congé parental accessible à tous, mieux indemnisé (75 % du revenu professionnel) jusqu’au 1 an de l’enfant, pour concentrer l’accueil non familial de la petite enfance sur les enfants de 2-3ans.
- Instaurer une compétence obligatoire des communes/intercommunalités et confier aux Caf un rôle de garant de l’équité territoriale via un pilotage départemental et un renforcement des outils de financement et de péréquation.
- Instaurer un plafond de 500 euros de reste à charge maximum pour un temps plein d’accueil et réintégrer le crédit d’impôt pour frais de garde dans la PSU (Prestation de Service Unique) / CMG (Complément Mode de Garde)
- Réformer et faire entrer la profession d’assistant maternel dans une logique de service public en :
- rattachant systématiquement les assistants maternels à une structure collective,
- solvabilisant mieux les familles via une réforme ambitieuse du CMG et le versement direct aux assistants maternels, par la Cnaf et via pajemploi, de bonus (bonus handicap, AVIP, horaire atypique),
- renforçant la formation des assistants maternels notamment par un diplôme reconnu dans le secteur des EAJE.
- Proposer un nouveau « pacte d’engagements réciproques » sur l’accueil collectif entre Caf et Communes/Intercommunalités
- Accompagner l’instauration de la compétence obligatoire des communes par une prise en charge plus importante des dépenses de places en crèches PSU par la branche famille,
- Préparer la transition des micro-crèches Paje (Prestation d’Accueil du Jeune Enfant) vers le système PSU dans l’optique d’une généralisation de la réforme du CMG,
- Réformer le Cif (Crédit impôt famille) pour les entreprises,
- Renforcer les moyens de la branche famille pour mieux évaluer les modèles économiques du secteur privé lucratif et apporter de la transparence sur les coûts pour les familles et les finances publiques.
Enfin, dans le cadre de cet article du projet de loi Plein emploi, l’Unaf a présenté ses propositions d’amendement visant à :
- Définir dans la loi un objectif quantitatif dans la stratégie nationale concernant la politique d’accueil du jeune enfant en volume d’heures réalisées et non plus en nombre de places,
- Définir dans la loi un objectif qualitatif dans la stratégie nationale concernant la politique d’accueil du jeune enfant visant à une augmentation du taux d’encadrement,
- Prévoir un article chapeau fixant les principes généraux du droit de l’accueil de la petite enfance avec les trois principes suivants : Garantie d’accueil, Parcours d’accueil coordonnant les congés parentaux et les dispositifs d’accueil de la petite enfance, Coût financièrement abordable pour les parents.
- Compléter la compétence de recensement des mairies sur les capacités d’accueil effectives ainsi que sur les tarifs pratiqués,
- Aller jusqu’à l’inscription d’une obligation des communes, autorités organisatrices, de faire une proposition effective de mode d’accueil aux parents pour leur enfant et non pas seulement les informer et les accompagner,
- Reconnaître un pouvoir d’autorisation donné à l’autorité organisatrice en lieu et place d’un simple avis favorable,
- Mettre en place un nombre suffisant de RPE avec les personnels en correspondance permettant une bonne couverture territoriale et tenant compte du nombre des assistantes maternelles sur le territoire.
Enfin pour conclure, l’Unaf a alerté sur le fait que la France n’avait toujours pas transposé en droit français la directive du 20 juin 2019 « Work life balance » concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil.
Notamment son article 9 prévoit un « droit de demander » pour tous les salariés parents ou aidants. La directive accorde à tout salarié de l’UE, parent d’un enfant de moins de 8 ans, aidant familial, le droit de demander une « formule souple de travail » (c’est-à-dire un temps partiel, un recours au télétravail ou un aménagement horaire) à son employeur, qui doit justifier tout refus.
Le présent projet de loi Plein emploi doit être l’occasion de transposer ce nouveau droit dans le code du travail. Une habilitation à légiférer par ordonnance pourrait être le moyen de s’assurer que le droit français satisfait bien à ce « right to request ».
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